Chaque mois de février, des gens de partout dans le monde se rassemblent pour célébrer et faire connaître les contributions et les triomphes exceptionnels de la communauté noire. Le mois de l’histoire des Noirs est un moment de l’année tout indiqué pour apprécier les grandes réalisations des Canadiens noirs et afro-descendants dans plusieurs domaines comme les arts, les sciences, les sports et bien d’autres. Impossible de nier leur influence culturelle qui nous a permis de nous améliorer.
Le thème de cette année est
À nous de raconter, qui rappelle l’importance de raconter l’histoire, celle des personnes qui ont fait changer les choses dans leur communauté et dans la société, mais aussi de reconnaître la vivacité d’esprit qui les a aidées à surmonter les obstacles de la discrimination et de l’inégalité. Malheureusement, il en reste toujours. C’est d’ailleurs le cas dans le réseau de santé au Canada, où n’est pas rare qu’on ferme les yeux sur les problèmes de santé des femmes noires. Bon nombre d’entre elles viennent à souffrir de cette négligence.
Heureusement, bien des organismes se penchent sur ces préoccupations et travaillent d’arrache-pied pour créer de meilleures ressources pour les femmes noires. Les sociétés médicales telles que la
Black Physicians Association of Ontario,
Black Physicians of Canada ainsi que la
SOGC prennent parole et exigent que les femmes noires obtiennent des soins de meilleure qualité en général, car elles peuvent être particulièrement vulnérables à certains problèmes de santé, comme certains types de cancer.
Récemment, les médecins canadiens
ont souligné l’importance d’améliorer le dépistage du cancer du sein chez les femmes noires. Génétiquement, ces femmes sont plus à risque de développer ce cancer que les autres membres de la société. Le risque de cancer du col de l’utérus est aussi plus élevé que la moyenne dans cette population. Le fait d’améliorer l’accès à des soins de qualité supérieure aidera non seulement à sauver des vies, mais permettra aussi aux chercheurs de recueillir des données importantes sur la prévention de certaines maladies pour les générations futures.
Depuis des années, les médecins de partout au Canada sonnent l’alarme quant à la collecte de données dans le réseau de santé. C’est certainement le cas lorsqu’il s’agit de faire le suivi du
taux élevé de mortalité maternelle chez les femmes noires canadiennes*. Malheureusement, il n’y a tout simplement pas de données sur lesquelles se fier. Par conséquent, nous n’avons aucun moyen de savoir quelles sont les causes. Les médecins canadiens ne peuvent se fier qu’aux statistiques d’autres pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni.
Dans une récente
annonce, le ministre de la Santé dit vouloir améliorer le partage des données entre les provinces. Il s’agit indéniablement d’un pas dans la bonne direction, mais on ne règle toujours pas le problème fondamental de l’infrastructure du réseau de santé canadien, à savoir la discrimination systémique.
En 2019, la National Library of Medicine a publié une étude sur le racisme systémique qui
nuit à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes noires au Canada* et d’autres groupes. Il est évident qu’en ayant une meilleure compréhension des préjugés historiques au sein même de notre réseau de santé, nous verrons inévitablement une amélioration dans la prestation des soins et les ressources pour cette population.
Ces obstacles raciaux sont particulièrement
visibles* en ce qui concerne le manque de médecins noirs dans les établissements de santé au Canada. Pour pouvoir améliorer la qualité des soins, nous devons proposer les bons fournisseurs de soins et donner les bonnes ressources aux communautés les plus touchées.
Nous avons parlé à une membre de la SOGC, la Dre Cynthia Maxwell, spécialiste en médecine fœto-maternelle au Mount Sinai Hospital. Elle nous a offert ses impressions sur la façon de surmonter ces obstacles et d'améliorer la qualité des soins offerts aux femmes noires dans notre réseau de santé :
« En reconnaissance du Mois de l’histoire et de l’avenir des Noirs 2023, la SOGC pourrait jouer un rôle de leadership en étant un vrai modèle d’inclusion et en promouvant la santé reproductive des femmes noires. Pour ce faire, elle doit réfléchir à la représentation dans ses organes décisionnels, y compris le conseil d’administration et les comités scientifiques et des directives cliniques, en particulier en ce qui concerne les stratégies pour inclure les leaders de la santé noirs et la voix des communautés noires dans les discussions nationales sur la mortalité maternelle. En s’engageant et en étant redevable envers les communautés noires, la SOGC pourrait attirer l’attention sur l’importante occasion de régler les iniquités de longue date en santé maternelle et reproductive chez les femmes noires. »
La SOGC, comme d’autres organismes, apportera sa contribution, mais bien sûr, elle n’y arrivera pas seule.
En fin de compte, il faut en faire plus pour améliorer la santé des femmes noires au Canada. Il serait possible, grâce à des subventions fédérales aux universités et hôpitaux spécialisés en santé des femmes, de mener des études approfondies sur des sujets comme la mortalité maternelle, les fibromes utérins et l’anémie, par exemple. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent aussi apprendre à mieux coopérer et à interagir avec la communauté médicale.
Mais surtout, il ne faut pas laisser les enjeux raciaux nuire à la qualité des soins. L’accès, la recherche et le soutien doivent être la priorité. Les sociétés médicales, les médecins et les spécialistes continueront de raconter l’histoire des iniquités du réseau de santé canadien et de défendre les droits médicaux de leurs patients et patientes, sans égard à l’ethnicité ni à la race.
En travaillant ensemble, nous pouvons faire en sorte que l’histoire se termine bien.
Nous tenons à remercier sincèrement, la Dre Maxwell pour sa contribution à cet article.
*Veuillez noter que certains liens ne sont disponibles qu'en anglais seulement.
À propos de la Dre Cynthia Maxwell
La Dre Cindy Maxwell est spécialiste en médecine fœto-maternelle et chef de division au Mount Sinai Hospital. Elle est également professeure agrégée en obstétrique et gynécologie à l’Université de Toronto. La Dre Maxwell a fait ses études et sa formation médicale à l’Université Harvard avant de faire sa résidence en obstétrique-gynécologie au Brigham and Women’s Hospital et au Massachusett’s General Hospital. Elle a suivi une formation complémentaire (fellowship) en médecine fœto-maternelle à l’Université de Toronto. Ses champs d’intérêt cliniques et de recherche se concentrent sur les troubles médicaux associés à la grossesse et portent plus particulièrement sur les grossesses en contexte d’obésité importante, de tumeur maligne et de troubles gastro-intestinaux ou neurologiques. Elle enseigne aussi dans le domaine de la procréation dans le cadre du programme de formation du Congenital Cardiac Centre for Adults du réseau universitaire de la santé. En 2015, la Dre Maxwell a reçu une certification professionnelle en médecine de l’obésité.
Elle a aussi reçu le Prix d’excellence régionales de la SOGC lors de la FMC de l’Ontario de 2021.
(Photo : Dre Cynthia Maxwell et R.D. Wilson, président de la SOGC)